Amandine Ys
«L’art est salvateur»
J’annonce tout de suite la couleur : pour peindre sur toile, j’utilise uniquement la technique à l’huile, dont je suis une inconditionnelle, en ce qui me concerne. La peinture habite intensément mon être le plus profond.
Ce désir de peindre m’accompagne depuis toujours. Il ne m’a jamais quittée. Bien avant que je prenne les pinceaux, il faisait partie, en silence, de mes rêves les plus tenaces.
Mon histoire personnelle a été confrontée à un barrage bien bétonné qui ne m’a jamais permis d’accéder à des études d’art. Cette frustration m’a habitée longtemps. Néanmoins en avançant sur le chemin de la vie, ces regrets sont partis en fumée. J’ai pris conscience que je n’étais appelée ni par le groupe, ni les contraintes, ainsi que les études, ceci étant généré par mon besoin d’indépendance et surtout de rester moi-même.
Je suis donc autodidacte.
Cette identité implique un combat permanent qui impose de la constance et de la pugnacité, excluant tout découragement. Il faut y croire, ne jamais abandonner tout en cultivant cette ardeur qui vous soulève dans cette passion omniprésente.
C’est ainsi que le 13 janvier 1983, l’occasion m’a été donnée de tenter ma première expérience «Le bouquet du treize».
L’essai fut captivant : un moment très important, ne relevant pas d’un simple amusement mais d’un instant magique, tant attendu, d’où sortaient les premières notes de ce désir enfoui depuis si longtemps dans mon être. La peinture face à moi m’invitait à une première approche. ENFIN! Elle était ce véritable destin incontournable, qui jusque-là semblait m’avoir échappé.
Et puis d’autres toiles ont suivi et encore aujourd’hui. Elle est ma compagne, ma complice, mon exutoire.
Je vous développe, dans les lignes qui vont suivre, l’analyse personnelle et la vision que j’en ai :
-elle est l’expression de l’âme et de la connaissance personnelle.
-chacune de mes créations est toujours liée à un moment de vie et à des événements qui me sensibilisent. Ce n’est pas forcément «mon» histoire, mais le résultat de l’observation des êtres et des choses, de la vie d’une manière générale : observer, ressentir, s’imprégner, pénétrer dans l’invisible. N’est-ce pas l’essentiel ?
Je me réfère à un peintre coréen du dix neuvième siècle (1843-1897) Ohwon Jang Seung-Ub, s’étant exprimé ainsi : «penser avant de peindre».
Effectivement une œuvre picturale, et ceci n’engage que moi, est à l’état embryonnaire dans mes pensées avant d’être exécutée. C’est un temps de réflexion qui m’habite à part entière, se murit, et se prépare lentement.
Le jour de l’accouchement se présente. L’état foetal est terminé: explosion où se mélangent les formes, les couleurs et les pinceaux. En cours d’exécution l’inspiration s’impose, elle fait partie prenante de cet instant jusqu’à être en osmose avec le peintre. Elle l’entraine dans un autre monde, en dehors de toutes atteintes extérieures. La toile fait des détours. S’y mêlent des temps de pause (recommandés pour le temps de séchage des couches à l’huile).
A la reprise cela peut s’avérer être une redécouverte, ponctuée d’un autre regard. De nouvelles pensées peuvent surgir. Le pinceau repart vers de nouvelles aventures utilisant encore une part d’imaginaire.
Une toile, dit-on… n’est jamais terminée. Quand le peintre juge qu’elle l’est (cela est subjectif), il l’arrête, la signe (ou pas). L’accouchement est terminé.
Un certain jour, peut-être, elle interpelle quelqu’un, passant par-là… elle lui va droit au coeur. Effet miroir ? Révélation des méandres de son coeur ? Elle l’interpelle pour différentes raisons. L’âme passante la désire pour l’accompagner dans sa vie. Le peintre coupe le cordon ombilical qui le reliait encore à son enfant. L’oeuvre ne lui appartient plus. Elle prendra désormais vie ailleurs, avec un souffle nouveau.
Depuis 1983, des sources d’inspirations se sont succédées:
-paysages figuratifs et oniriques
-natures «mortes» (à ce sujet, pour moi, ce sont des natures «vivantes», chacune d’elle ayant été élaborée avec des objets ayant un lien entre eux, et étant en relation avec un moment de vie). Je suis très attachée à cet extrait d’un poème d‘Alphonse Lamartine: «objets inanimés avez- vous donc une âme?».
-portraits, scène de la vie.
Ma peinture n’est pas décorative, elle est porteuse de messages qui touchent la société et aussi l’affect. Elle est le reflet de la vie. Elle fouille l’intérieur de l’être.
En 2005, un virage important s’est amorcé avec les multiples interprétations de mon arbre préféré, vénéré, dont on sait qu’il est sacré: le figuier. Du figuratif une tendance évoluant vers l’abstraction s’est annoncée.
Depuis j’ai souvent abordé l’arbre dénudé ainsi que les écorces se mêlant au corps humain. Seule la structure de l’arbre m’intéresse ainsi que toutes les formes qu’il suggère à mon imaginaire. Ce dernier tend à les interpréter et à les transformer en visions fantasmagoriques. J’ai été interpellée par ces arbres dont les branches s’élèvent au ciel vers l’infini, dans un monde impalpable et invisible, qui crient et supplient sans fin, invoquant la prière, l’amour et le respect. Ils devraient être des diamants éternels.
Pour terminer voici la conception de ma démarche:
-observer ce que nous offre la vie, en s’en imprégnant le coeur et l’esprit.
-transformer la réalité suivant notre propre perception et notre imaginaire. Capter ce qui n’est pas visible à l’oeil nu, et voir au-delà, dans l’invisible.
-écouter notre âme qui nous parle et nous entraine dans les chemins intérieurs de notre être profond.
-entendre et surtout écouter ce que les êtres sensibles, la nature et le monde vivant s’évertuent à nous communiquer, si souvent dans le silence.
-rester soi-même, ne pas avoir peur de se mettre à nu dans ses créations. Quittons les masques.
-respecter la création de Dieu, présent dans tout ce qui est vivant, même dans les choses les plus simples.
Je vous inviter à lever le voile délicatement pour découvrir certaines interprétations qui relèvent uniquement de ma propre réalité.
Et…
rendons à la terre ce qui est à la terre.
Texte de Amandine Ys